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Exposition des mineurs à la pornographie : la loi « sécurité numérique » manque-t-elle d’ambition ?

La loi sur la régulation de l’espace numérique a été adoptée définitivement mercredi 10 avril. Son volet sur le blocage des sites pornographiques qui n’empêchent pas l’accès des mineurs déçoit les associations de protection de l’enfance. En effet, la loi donne à l’Arcom un pouvoir de blocage qui ne pourra pas s’appliquer aux plus gros sites, hébergés dans des pays qui échappent à sa juridiction.

Opinion. « La loi adoptée ne résoudra pas à court terme le grave problème de l’exposition des mineur.es aux contenus pornographiques. Deux points posent problème. Le premier concerne le « référentiel technique ». En clair, depuis 2020, la loi française oblige les sites pornographiques à vérifier l’âge des internautes. Or depuis quatre ans, l’industrie pornographique multiplie les recours dilatoires en adoptant une défense fallacieuse, prétendant notamment ne pas savoir mettre en place un contrôle d’âge conforme au droit, et notamment au RGPD. Un seul objectif : faire entrave à l’application de la loi en gagnant du temps -et donc de l’argent- au détriment des mineurs. Ces recours, dans lesquels Osez le Féminisme ! est intervenu, sont perdus par l’industrie les uns après les autres. De son côté, la CNIL, dans son avis de février 2023, a validé l’existence de solutions techniques conformes au droit et a indiqué que c’était de la responsabilité des sites pornographiques de les déployer. Pourtant, contre l’avis du HCE, le gouvernement avec la loi SREN accorde à l’industrie pornographique exactement ce qu’elle demandait : Selon l’article 1, l’Arcom doit dorénavant fournir un « référentiel technique » que l’industrie va s’empresser de contester. Nous sommes donc repartis pour des années de procédures, d’entrave et de contournement de la loi. 

Second point, la Commission européenne s’est invitée dans les débats. Elle a mis en garde les autorités françaises contre toute entorse au “principe du pays d’origine”. Selon ce principe, chaque entreprise qui fournit un service dans d'autres pays de l'Union européenne est soumise au droit de son pays d'établissement. Ainsi, le contrôle d’âge de la loi SREN ne s’appliquera pleinement qu’aux sites français. Pour les sites européens (hors de France), comme Xvideos et Xnxx, basés en Tchéquie (qui présentent les contenus les plus sadiques), une régulation sera possible pour cause de “santé publique” après un long et incertain processus de notification. 

La pornographie devrait pourtant être considérée pour ce qu’elle est vraiment : non pas un “service” commercial mais un véritable système d’exploitation et de traite sexuelle à échelle industrielle.

La pornographie représente aussi une réelle menace pour la santé publique, la protection des mineurs, et les violences sexistes et sexuelles. Je rappelle qu’à 11-12 ans, à l’âge de l’entrée en 6eet du premier téléphone portable, 51% des garçons regardent du porno au moins une fois par mois selon l'Arcom. Or cela va rester possible encore longtemps à cause de cette loi. C’est un aveu de faiblesse incompréhensible.


Article paru dans la Croix, le 23 avril 2024

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